Un rêve
d’utopie
Le ciel me manquait, le soleil, l’herbe sous mes pieds, la pluie, le vent,
les fleurs, tout me manquait. Pourtant, c’est à peine si j’avais connu tout
cela.
J’avais huit ans quand mes parents avaient fui ce monde qu’était devenu le
nôtre, ainsi que celui de toute la population humaine, afin d’épargner à ma
sœur le tragique destin auquel elle allait être confrontée.
Pour vous raconter ce qui allait lui arriver, je dois vous reprendre
l’histoire du début.
Alors, voici comment et pourquoi notre monde est tel qu’il est aujourd’hui.
***
Novembre 2014
La guerre mondiale était déclarée. Tous les pays, sans exception, lancèrent
leurs troupes dans tous les coins du globe. Aucune alliance entre pays, aucune
association… chacun se battait pour son pays, pour sa patrie et pour lui seul.
Personne n’était épargné. Les hommes, les femmes, les enfants, étaient logés à
la même enseigne. Même aujourd’hui, les livres d’histoire ne relataient qu’une
partie de ce qui s’était passé.
Comment expliquer et narrer tous les génocides qui avaient eu lieu, sans
passer pour des monstres maintenant.
Oh ! Pour sûr, à ce moment-là, ils ne s’occupaient pas de comment les
générations futures verraient ça, mais une fois la guerre finie, beaucoup ont
eu honte et se sont même donnés la mort plutôt que de devoir affronter leur
conscience.
Tout ce que j’avais appris de cette époque, mes parents me l’avaient
raconté, tout comme les leurs l’avaient fait quand ils avaient été en âge de
comprendre. Ils le tenaient eux aussi des leurs et ainsi de suite, depuis des
générations. Je vous épargnerai les détails de tous les affrontements, les
tueries, les massacres, les trahisons, et j’en passe, qui s’étaient déroulés
durant les trois ans qu’avait duré cette guerre. Tout ce que je peux vous dire,
c’est que les armes nucléaires avaient fait énormément de dégâts, de
considérables dégâts, ce qui nous a amené à notre monde actuel.
Lorsque tout fut fini, l’air était devenu pratiquement irrespirable. Les
gens mourraient par milliers des effets de la radioactivité. De nouvelles
maladies affluèrent, tuant elles aussi un nombre considérable de personnes.
C’est alors qu’un groupe de chercheurs et de scientifique trouva un remède
miracle, un remède qui pouvait sauver les personnes qui avaient survécus, pour
le moment… mais à quel prix ? Celui de notre liberté.
Les sauveurs, comme ils s’étaient renommés, avaient mis à la disposition de
la population, leur remède, à la condition d’accepter un Nouveau Monde, qu’ils
dirigeraient eux-mêmes. Un Nouveau Monde, où la violence ne serait plus
permise. Plus de vols, plus de viols, plus de meurtres, même une baffe ne
serait plus tolérée. Mais leur Nouveau Monde ne s’arrêtait pas là. Ils
promettaient aussi, plus de maladies, plus de situations financières critiques,
le même salaire pour tous, du travail pour tout le monde, fini le chômage, fini
la précarité.
Alors pourquoi est-ce que je me plaignais ? Pourquoi mes parents
avaient-ils fui ce monde ? Car ce monde n’avait rien de la belle utopie
promise, ce monde était devenu une prison géante. Certes, une prison où l’on
n’était pas enfermé entre quatre murs, mais je vous assure que l’on n’en était
pas loin, car voici ce pour quoi la population avait signé pour avoir cette
« utopie ».
En acceptant le remède et le Nouveau Monde, chaque personne consentait à se
faire implanter une puce de localisation au niveau de la colonne vertébrale,
mais aussi à subir une série de tests physiques et psychologiques. Les «
sauveurs » ne se justifièrent pas, précisant que les informations seraient
délivrées le moment venu, lorsque chacun se serait soumis à leurs examens.
Et pour cause, s’ils avaient informé les gens de ce à quoi tout cela
impliquait, personne n’aurait accepté. Mais de toute façon, avaient-ils le
choix ? Non. Car refuser signifiait mourir.
Les tests servaient à déterminer l’avenir des personnes. Un très performant
logiciel avait été inventé par l’un d’eux. Il servait à tester les
compatibilités. Que ce soit au niveau sentimental, professionnel, endurance,
émotionnel, mais aussi au niveau de la santé et de la reproduction.
Du moment où chaque personne sur terre avait été implantée et testée,
« les sauveurs » avaient mis le système du Nouveau Monde en place.
Chaque couple avait été séparé pour être remanié. Le logiciel disait avec
qui, quand et où se marier. Beaucoup se sont révoltés.
Mais se révolter voulait dire mourir.
Alors après quelques exécutions, tous acceptèrent leur sort. Les enfants
étaient confiés à leurs mères. Les pères durent faire leurs adieux à leur
famille, pour en fonder une nouvelle. La première année, nombreux avaient été
les suicides de ces papas qui n’avaient pas pu supporter de ne plus avoir aucun
contact avec leurs enfants et leurs compagnes. Personne ne savait trop comment
les couples étaient mis en place, c’était le logiciel qui décidait de tout.
Mais il ne s’arrêtait pas à ça.
Le nombre d’enfants aussi était décidé à l’avance, ainsi que l’âge auquel
la femme devait les avoir. Des traitements hormonaux ainsi qu’un sérum spécial
permettaient de tomber enceintes le mois qui avait été décidé. Le sexe des
enfants était aussi imposé, grâce à ce fameux sérum. Nul ne connaissait la
composition de celui-ci, mais il fonctionnait à chaque grossesse, si vous
deviez avoir un garçon… un garçon vous aviez.
Le logiciel contrôlait toute votre vie, pays d’habitat, lieu exact, emploi
exercé, quel sport pratiquer et même, si vous aviez ou non le droit d’avoir un
animal domestique, et quel animal, ainsi que le nombre auquel vous aviez le
droit.
Voilà ce qu’était, ce fameux monde utopiste.
Revenons-en maintenant à moi, ou plutôt à ma sœur.
Ma sœur avait été condamnée à la peine de mort il y a 11 ans maintenant.
Ah oui ! Un point que j’avais oublié de préciser et dont je vais vous
informer avant de vous donner la raison de cette condamnation.
Dans le Nouveau Monde, nul n’avait le droit d’avoir de maladie grave,
cancer, leucémie, Parkinson, Alzheimer, etc., et encore moins de se retrouver
handicapé. Handicap et Maladie signifiaient mort, pas à cause de la
maladie en elle-même, mais parce que si vous contractiez l’une d’entre elles,
vous étiez tout simplement exécutés.
Je pense que vous avez plus au moins compris pourquoi ma sœur était
condamnée à mort à présent.
Suite à un accident de voiture, elle avait dû être amputée d’une jambe, et
comme je vous l’ai déjà dit, handicap = mort. Seulement mes parents n’étaient
pas prêts à laisser mourir leur fille sans rien faire. Ils s’étaient renseignés
partout et avaient mené leur enquête afin de découvrir si la rumeur qui
courrait depuis des années était vraie. Cette rumeur parlait de quelques scientifiques
qui s’étaient révoltés contre le Nouveau Monde et avaient fui. Ils auraient
trouvé un moyen d’ôter la puce de localisation sans se retrouver paralysés,
puis se seraient réfugiés dans un endroit indétectable et tenu au plus grand
secret.
Mes parents avaient donc cherché… et trouvé. Cela n’avait pas été simple,
loin de là, car après tout, si ça avait été si facile, « les
sauveurs » les auraient déjà débusqués et éliminés. Bon, je passe toute
cette partie d’enquête et de recherche pour en venir au moment où ils avaient
été mis en contact avec Jean-Baptiste, JB.
Il avait tout de suite aidé mes parents, car le temps pressait. Les
personnes atteintes de maladies ou de handicaps n’étaient pas exécutées le jour
même, « les sauveurs » laissaient aux victimes six mois avant
l’injection mortelle. Finalement, ils avaient peut-être un cœur… en fait non,
je ne crois pas, je pense plutôt que c’est pour se donner bonne conscience et
pour éviter de nouveaux suicides de famille mais surtout de révoltes. Pour ma
sœur, les six mois arrivaient à échéance, il ne lui restait plus que
trois semaines quand mes parents avaient rencontré JB. Il lui avait fallu une
semaine pour régler tous les détails de notre arrivée dans le lieu secret. La
veille de notre départ, il était venu accompagner Linda et Christophe afin de
retirer nos puces de localisation. J’étais morte de peur en voyant les
instruments médicaux qu’ils avaient sortis et disposés sur la table de la salle
à manger. Les extractions s’étaient déroulées sans problème. Il nous aurait
bien fallu quelques jours de repos après cela, mais du temps, nous n’en avions
plus. Alors c’était sous morphine et soutenus que nous étions arrivés à
Immertio.
Immertio était une structure monumentale située dans l’océan, faite de
plusieurs dizaines de bâtiments reliés par des tunnels. Un système de
ventilation apportait de l’oxygène partout, oxygène produit dans une immense
serre où se trouvaient des milliers de plantes en tout genre. Un système
hydraulique et un autre de filtrage nous apportaient électricité et eau
potable. Pour tout ce qui était alimentaire et les besoins de la vie courante,
chaque semaine des expéditions sur terre étaient programmées afin de nous
approvisionner.
***
De nos jours (juin 2193)
J’étais dans mon lit à repenser à ma vie sur terre. Le ciel me
manquait, le soleil, l’herbe sous mes pieds, la pluie, le vent, les fleurs,
tout me manquait. J’avais 8 ans quand j’étais arrivée à Immertio, j’en avais
maintenant 19. J’aimerais retourner là-haut, pour quelques heures, sentir la
chaleur du soleil sur ma peau, revoir les paysages de cette terre qui me
manquait tant.
—Iris ! Iris t’es où ?
—Dans ma chambre maman.
La porte s’ouvrit sur ma mère, une petite femme de 51 ans, dont la couleur
brune de ses cheveux commençait à grisonner depuis quelques années. Elle avait
les joues toutes rouges, le souffle court et ses yeux verts brillaient…
d’excitation ?
—Un nouveau groupe de 15 personnes vient d’arriver, s’enthousiasma-t-elle.
—Un groupe de 15 personnes ? M’étonnais-je.
Il était fréquent que quelques personnes nous rejoignent, mais rarement
plus de quatre.
—Oui ! Ils viennent d’Amérique. D’Amérique, tu te rends compte ?
À vrai dire, je ne m'en rendis pas vraiment compte, vu que les seuls qui
intégraient Immertio étaient des français, normal, puisque nous vivions en
France.
—Mais… mais… mais, comment cela est-ce possible ?
—Apparemment, il y a d’autres rebelles dans le monde entier. Mais viens
vite, une réunion est programmée dans une demi-heure dans la salle de
conférences. Ils vont tout nous expliquer.
Je me levais avec hâte et rejoignis ma mère qui sortait déjà.
En arrivant dans la salle, je remarquais que presque tous les résidents
d’Immertio étaient déjà là. Le groupe d’Américains se trouvait sur l’estrade
complètement entouré et je n’arrivais pas à les voir, alors je m’approchais. Je
me faufilais à droite, à gauche et finalement, je me retrouvais plus qu’à
quelques centimètres d’eux quand quelqu’un me rentra dedans et me fit tomber.
Je me redressai à l’aide de la main tendue devant moi. Une fois debout, je
regardais la main, puis le bras auquel elle était accrochée, puis l’épaule, le
cou et enfin le visage. Et quel visage. Je me trouvais nez à nez avec le plus
beau mec que je n’avais jamais vu. J’ai été immédiatement attirée par ses yeux,
des yeux d’un bleu azur. Je n’arrivais pas à me décrocher de son regard.
—Ça va ? Tu ne t’es pas fait mal ? Me demande la voix grave et
sensuelle de l’inconnu.
—Non, ça va, répondis-je après avoir enfin fini de le fixer.
Un claquement de main et un sifflement retentirent dans la salle de
conférences.
—Veuillez tous vous asseoir, cria JB.
Je relâchais la main de mon inconnu que je tenais toujours et rejoignis ma
mère au premier rang qui m’avait gardé une place à côté d’elle.
—Je vous demande le silence s’il vous plait. Je sais que vous avez beaucoup
de questions et nous allons y répondre ne vous inquiétez pas, mais seulement
quand le silence se fera.
La salle se retrouva alors dans le calme le plus total, plus une parole ne
se fit entendre, on pourrait entendre une mouche voler s’il y en avait eu ici.
—Alors je vous présente un groupe d’Américains qui tout comme nous, a
trouvé un moyen d’échapper au Nouveau Monde. Leur porte-parole, Antoine, va
vous expliquer comment eux, y sont parvenus et pourquoi ils sont ici.
—Bonjour à tous. Je me nomme Antoine et je suis venu vous trouver comme je
l’ai déjà fait avec des groupes d’Espagne, d’Allemagne, d’Italie et bien
d’autres, pour vous informer que vous n’êtes pas seul. Chaque pays à son
groupe, voire ses groupes de résistants. Certains vivent dans des grottes,
d’autres sous terre dans un réseau de pièces et de couloirs souterrains.
D’autres comme vous et comme nous, vivent dans les océans et mers. Chacun de
ces groupes a trouvé le moyen d’ôter leurs puces de localisation afin de
pouvoir s’affranchir « des sauveurs ». Nous ne sommes pas là, juste
pour vous informer qu’il y a des résistants sur toute la planète, mais pour
vous demander de vous joindre à nous.
—Nous joindre à vous pourquoi ? Demanda une voix dans la salle.
—Pour reprendre le contrôle de la terre. Pour rendre la liberté à tous.
Un grondement de murmures se fit alors entendre. J’entendis autour de moi
toutes sortes d’exclamations, « Mais ils sont fous », « Nous
allons pouvoir retourner sur terre », « Est-ce que tu crois que c’est
possible ? », « Ils ont raison, reprenons le contrôle de notre
planète », et ainsi de suite.
—Silence s’il vous plait, hurla JB pour se faire entendre. Écoutez Antoine
jusqu’au bout.
—Merci JB. Je suis conscient que ce que je demande est juste énorme. Mais
nous le pouvons. Nous avons des armes, des explosifs…
—Alors, c’est ça votre solution ? Faire la guerre ? N’est-ce pas
cela qui nous a amenés à la vie que nous menons maintenant ?
—Je ne propose pas une guerre, seulement d’aller faire sauter toutes les
tours de contrôle « des sauveurs ». Il n’y a plus d’armée, seulement
des fonctionnaires de police qui savent juste se servir d’une seringue. Des
hommes à nous préparent cette attaque depuis des années et ont fabriqué
suffisamment d’explosifs pour détruire toutes les tours. Une fois celles-ci
détruites « les sauveurs » n’auront plus leur logiciel qui régit la
vie des habitants de la planète et… ajoute rapidement Antoine, qui voit déjà des
bouches s’ouvrir afin de protester, nous ne leur laisserons pas le temps d’en
faire un nouveau. Nous ferons subir « aux sauveurs » ce qu’ils nous
font subir à tous depuis plus de 175 ans, nous les exécuterons par injections.
Je n’entendis pas ce qu’il se dit après, j’étais déjà loin d’ici, j’étais
dans ma bulle à m’imaginer revivre sur terre en toute liberté. Ce fut un coup
de coude de ma mère qui me ramena à l’instant présent.
—Bien comme je viens de le dire, nous allons maintenant voter. Pour ou
contre votre association aux autres résistants dans la bataille qui se prépare
pour la reconquête de notre planète. Ce vote n’engage que vous et seulement,
vous. Sur votre bulletin de vote, vous noterez votre nom, prénom, sexe, âge et
pour ou contre. Si vous votez pour, vous reviendrez ici même, demain matin pour
connaitre le déroulement des opérations. Si vous votez contre, vous reprendrez
votre vie et occupation habituelle. Maintenant merci de vous mettre en rang sur
cinq rangées.
Tout le monde prit place dans l’une des files. Avant que je n’aie eu le
temps de trop y penser, je me retrouvais devant l’une des tables où l’on me
tendit un carton blanc et un stylo. J’y écris alors :
Iris Blanchart
19 ans
Sexe féminin
POUR
***
Le soir, je prenais connaissance du vote de mes parents, tous les deux
avaient voté POUR bien évidemment. Malgré leur âge, il était hors de question
pour eux de rester sur la touche. Retourner sur terre et retourner à la vie
d’il y a plus de 175 ans était un rêve pour eux aussi.
Le lendemain matin, nous nous rendîmes ensemble à la salle de conférences,
seulement une fois là-bas, ils partirent de leur côté rejoindre leurs amis.
Alors que je m’apprêtais à faire de même, le bel inconnu américain d’hier
apparut devant moi.
—Bonjour. Je n’ai pas eu le temps de me présenter hier, je me nomme Liam.
—Bonjour Liam, moi c’est Iris. Alors, comme ça vous voilà en mission de
recrutement ?
—Oui, je me suis porté volontaire, j’avais très envie de rencontrer les
résistants des autres pays. Et je ne regrette absolument pas mon choix, surtout
depuis hier.
Je me sentis rougir de la tête aux pieds. Je ne savais pas quoi dire, alors
quand JB nous demanda de prendre place, j’étais soulagée. Ce que je n’avais par
contre pas du tout prévu, c’était que Liam s’assiérait à côté de moi. Seulement
JB et Antoine allèrent se placer sur l’estrade.
—Bonjour mes amis. Comme vous pouvez le constater, la grande majorité
d’Immertio est présente dans cette salle et prête à reconquérir notre planète.
Je vais maintenant passer la parole à Antoine qui va vous expliquer comment va
se dérouler la suite des opérations.
—Bonjour à tous et merci de votre soutien et de votre courage. Comme vous
êtes l’un des derniers groupes de résistants que nous contactons, pour vous,
les choses vont commencer très vite. Dans un mois jour pour jour, nous
lancerons l’offensive à l’échelle mondiale. Chaque pays, le même jour, à la
même heure, appuiera sur le bouton qui lancera le compte à rebours des
explosifs que vous aurez préalablement installés sur les tours. Comme vous le
savez, les tours se situent un peu partout sur le globe, dont plusieurs par
pays. Pour la France, les tours se situent à Carcassonne, Niort, Arras,
Bourg-en-Bresse, Clermont-Ferrand et bien sûr Paris. Vous allez donc vous
répartir en six groupes. Vous devrez, pour certains, partir aujourd’hui même,
pour rejoindre vos villes respectives. Une fois sur place, vous devrez aller
poser les explosifs dans le bâtiment. Il faudra disposer plusieurs charges à plusieurs
endroits pour que le bâtiment s’écroule entièrement. Je sais que les risques
sont énormes, mais c’est là, le seul moyen de retrouver notre liberté totale.
La route sera, pour beaucoup, longue et périlleuse. Et je pense que vous vous
doutez, qu’il sera très risqué et dangereux d’aller disposer les explosifs.
Alors si parmi vous, certains veulent renoncer qu’ils le disent maintenant.
Quelques personnes se levèrent et quittèrent la salle, tête baissée. Ça ne
m’étonnait pas, moi-même, je ne m’attendais pas à autant de danger, mais hors
de question de renoncer pour autant.
—Vous préférez faire les groupes vous-même où que je le fasse ?
Demanda JB.
« Fais-le » fut, ce que j’entendis le plus autour moi.
—Très bien dans ce cas, pour Niort qui est la ville la plus proche
d’Immertio, je mettrai les personnes les plus âgées pour leur éviter un long
voyage. J’y ajouterai bien sur quelques hommes forts et jeunes pour ne pas les
laisser sans défense.
Mes parents allaient donc faire partie de ce groupe, quant à moi, j’appris
un quart d’heure plus tard que je faisais partie de celui qui irait à Paris.
J’étais avec mon amie Maria ainsi que Cédric. Les Américains nous apprirent
qu’ils n’auraient pas le temps de retourner aux USA avant le compte à rebours
et nous demandèrent s’ils pouvaient se joindre à nous, ce que JB accepta bien
évidemment. Ils allaient être répartis dans chaque groupe.
Les groupes de Carcassonne, de Bourg-en-Bresse et d’Arras partirent le jour
même, car étant les villes les plus éloignées de La Rochelle, lieu où nous nous
trouvions. Une semaine plus tard, ce serait au tour des groupes de
Clermont-Ferrand et de Paris de se mettre en route. Celui de Niort ne partirait
que quinze jours avant le compte à rebours. La route allait être très longue et
éprouvante pour tous, pas au niveau physique, car nous aurions des véhicules,
mais plutôt moralement, car nous allions devoir être aux aguets à chaque
instant et faire la route par petites portions pour éviter d’être repérés,
raison pour laquelle nous partions si longtemps à l’avance.
***
Liam ne faisant pas partie des premiers groupes à partir, cela me permit de
le rencontrer plusieurs fois pendant la semaine. La veille de mon départ, je me
rendis, pour la dernière fois, dans la serre. J’adorais venir ici pour profiter
du calme et de la végétation ambiante. Dans cet endroit, j’oubliais parfois que
je vivais dans l’océan. Alors que je déambulais parmi les plantes, j’entendis
un bruit derrière moi. Je me retournais brusquement et tombais nez à nez avec
Liam.
—Je t’ai fait peur ? Désolé, ce n’était pas mon intention.
—Un peu, mais ce n’est pas grave. C’est juste qu’en général, personne ne
vient ici, à part moi, alors j’ai été surprise.
—Oh ! Tu veux que je te laisse seule peut-être ?
—Non, reste.
—C’est beau ici.
—Oui. Quand je suis là, j’ai parfois l’impression d’être à nouveau sur
terre.
—Tu as vécu sur terre ?
—Oui, jusqu’à l’âge de 8 ans. JB nous a fait venir à Immertio parce que ma
sœur allait être exécutée suite à l’amputation de sa jambe droite après un
accident de voiture.
—Je suis navré pour vous.
—Moi pas. Si j’étais restée sur terre, je serais probablement mariée à un
homme que je n’aime pas à l’heure actuelle. Ce n’est pas parfait ici, mais au
moins je suis libre de mes choix. Et toi ? As-tu vécu sur terre ?
Avant votre « voyage », je veux dire.
—Non, je suis né dans notre abri. J’ai découvert la terre il y a un peu
plus d’un an, quand nous sommes partis à la recherche des groupes de
résistants.
—Et alors, tu en penses quoi ?
—C’est magnifique. J’ai hâte que nous reprenions son contrôle et de pouvoir
profiter de tout ce que cette planète a à m’offrir.
Nous nous mîmes à marcher parmi la végétation en parlant de tout et de
rien, mais surtout de ce que nous ferions une fois que nous pourrions vivre sur
terre.
—Tu repartiras en Amérique aussitôt les attaques terminées ?
Demandais-je avec un soupçon de chagrin dans la voix.
—C’est ce qui était prévu, mais maintenant je ne suis plus sur d’y
retourner.
—Ah ! Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?
—Toi !
Sans me laisser le temps d’approfondir sur sa réponse, il s’approcha de moi
et m’embrassa. C’était mon premier baiser, et mon Dieu, quel baiser. Ses lèvres
et sa langue étaient chaudes, ses bras placés autour de ma taille me donnaient
l’impression, de ne faire qu’un avec lui, et ses mains posées au creux de mes
reins m’enflammèrent.
—J’en ai eu envie dès l’instant où je t’ai vu.
Au lieu de lui répondre, je me penchais à mon tour sur lui, pour gouter à
nouveau à ses lèvres. Nous avions passé le reste de la soirée et une bonne
partie de la nuit à nous embrasser, à nous promener et à parler.
***
Le lendemain, mon groupe ainsi que celui de Clermont-Ferrand, nous nous
mîmes en route. En pensant que j’allais devoir dire au revoir à Liam, j’avais
eu beaucoup de peines en me couchant, mais en arrivant ce matin dans la salle
de conférences, quelle n’avait pas été ma surprise et ma joie en apprenant
qu’il faisait partie de mon groupe.
Nous avons passé notre voyage à mieux faire connaissance et à flirter en
cachette.
Nous sommes arrivés à Paris 6 jours avant le compte à rebours. Nous
n’avions rencontré aucun problème sur la route, mais le plus dur restait à
venir… placer les explosifs dans la tour. Nous avions 12 charges d’explosifs à
disposer. Deux jours avant l’heure H, nous nous repartîmes par petits groupes
de trois. Deux hommes et une femme, dans la mesure du possible, les hommes
s’occuperaient des explosifs et les femmes feraient le guet. Bien entendu, Liam
me prit avec lui, ainsi que Fred, un homme que je ne connaissais pas trop,
malgré qu’il soit d’Immertio, car il partait souvent en excursion de
ravitaillement.
Alors que nous venions de placer notre charge d’explosifs et que nous nous
apprêtions à rejoindre les autres, un scientifique à lunette arriva droit sur nous.
—Qui êtes-vous ? Que faites-vous là ?
Fred, habitué à ce genre de désagrément lors de ses excursions, réagit
aussitôt et balança son poing dans le nez du scientifique. Liam quant à lui,
sortit une seringue de son sac et la planta dans le ventre de l’homme à lunette
avant qu’il n’ait le temps d’appeler à l’aide. Fred plaça une main sur la
bouche du scientifique pour l’empêcher de crier, le temps que l’injection fasse
effet. Une fois sûr que le produit eu agis et que Liam confirma que l’homme
était mort, les garçons portèrent le corps et nous sortîmes de la tour. J’étais
passée devant eux pour leur ouvrir la marche et vérifier que personne ne
venait.
Quand nous arrivâmes au point de rendez-vous, tous les autres groupes
étaient déjà là à nous attendre.
—Ok, maintenant, on se planque jusqu’au début du compte à rebours, nous
informa Liam.
Nous sommes donc restés cachés dans un vieil immeuble désaffecté, et avons
attendu.
***
Jour J, H moins dix minutes.
Nous étions tous à la fois impatients et anxieux. Liam m’entraina à l’écart
du groupe.
—Quelle que soit l’issue de cette attaque, je voulais te dire que je ne
repartirais pas en Amérique, je veux rester ici avec toi. Enfin si tu le veux
aussi ?
—Bien sûr que je le veux. Je ne dis pas que je suis amoureuse de toi, mais
je suis bien avec toi et je tiens à toi.
Liam m’embrassa comme si c’était la dernière fois qu’il avait l’occasion de
le faire.
—Liam, H moins deux minutes mec. Ramenez vos fesses ici, nous interpela
Fred.
***
Jour J, heure H.
Liam appuya sur le détonateur quand le bip de son téléphone prépayé sonna
pour prévenir de lancer le compte à rebours.
5…
4…
3…
2…
1…
Une énorme explosion retentit alors, suivie par un terrible grondement
quand la tour s’écroula.
Des « youpi », « hourra », « oui »
et applaudissements se firent entendre de partout dans le groupe. Le
téléphone de Liam se mit à sonner, il décrocha.
—Allo… Oui mission réussie à Paris, où en sont les autres villes et
pays ?... OK ! Au revoir, et félicitation à vous aussi.
Il coupa la communication et se tourna vers nous.
—Mission réussie partout. Il ne nous reste plus qu’à nous occuper des
scientifiques et la terre sera à nouveau libre.
Nous nous mîmes aussitôt en chasse des scientifiques. Il ne nous a fallu
que trois jours pour trouver et exécuter tous les scientifiques. Oh, nous
savions bien que certains avaient dû passer entre les mailles du filet, mais
nous savions qu’ils ne tenteraient plus rien.
***
Un an plus tard (Août 2194)
Je vivais désormais dans une petite maison avec Liam. Comme il me l’avait
dit un an plus tôt, il était resté avec moi en France. Nous avions appris à
nous connaitre, et nous sommes tombés amoureux. Il a vécu avec moi, chez mes
parents, pendant environ huit mois avant que nous ne nous installions dans notre
chez nous en Vendée.
Il n’avait pas été facile pour la population de changer de vie, mais cela
s’était bien passé et ça avait été assez rapide même. Un gouvernement avait été
mis en place dans chaque pays, avec soit un président, soit un roi (ou une reine)
en dirigeant. Nous avions ressorti nos vieux manuels d’histoire pour
réorganiser le monde, comme il l’avait été avant LA guerre.
Maintenant, il ne nous restait plus qu’à profiter de notre liberté, de
notre planète et pour moi… de Liam.
Fin
Cette nouvelle a été écrite dans le cadre d'un appel à texte.
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