Un soir de Saint-Valentin pour le moins inattendu



Un soir de Saint-Valentin pour le moins inattendu


Laissez-moi vous raconter une histoire.

Nous voici le 14 février 2013.

Encore un soir de saint valentin où je me retrouvais seule. Pas que j’attachais beaucoup d’attention à cette fête, plus commerciale qu’autre chose, mais me retrouver sans personne à aimer alors que je ne faisais que croiser des couples d’amoureux, me chagrinait. D’ailleurs, si je faisais le calcul je crois que je n’avais passé ce jour en couple qu’une seule fois.

Je rentrais chez moi après une dure journée de travail, ne pensant qu’à une chose, me mater un bon film d’horreur pour éviter toutes les mièvreries sur l’amour qui allaient être diffusées le soir même à la télé.

A un virage de chez moi, mon regard se posa sur un jeune SDF faisant la manche, assis sur une paillasse faite de vieux cartons. Ça me fit mal au cœur de voir qu’en 2013, il restait des gens qui dormaient encore dans la rue. Dire qu’il y avait encore quelques minutes, je m’apitoyais sur mon sort parce que je n’avais pas d’amoureux pour la Saint-Valentin. Je me faisais honte. Je m’approchai alors de lui, afin de lui donner lui donner un peu d’argent. Je sortis un billet de 20 euros de mon porte-monnaie et le lui tendis.

—Merci beaucoup.

—Oh ! Ce n’est pas grand-chose, j’aimerais pouvoir faire plus.

—Vous savez la plupart des gens passent en faisant semblant de ne pas me voir, alors rien que le fait que vous m’ayez remarqué, me comble de joie.

—Ça fait longtemps que vous vivez dans la rue ? Oh ! Désolée, je suis indiscrète.

—Non, non, il n’y a pas de mal. Ça fait un peu plus d’un an.

—Comment en êtes-vous arrivé là ?

—Oh, le schéma classique. J’ai perdu mon emploi, ma copine m’a quitté et comme je vivais chez elle et bien je me suis retrouvé à la rue.

—Vous n’aviez pas de la famille qui pouvait vous aider ?

—Mes parents sont morts. Je n’ai ni frères, ni sœurs et je ne me suis jamais entendu avec  mes oncles et tantes.

A ce moment-là,  le vent se mit à souffler, un vent glacial. Il faut dire que cette année-là, le mois de février avait été particulièrement froid. Je resserrai alors les bras autour de moi pour me protéger des rafales.

—Vous devriez vous mettre au chaud, me conseilla le jeune étranger.

Je fus touchée qu’il s’inquiète pour moi alors que pour lui, la nuit commençait seulement, et qu’il allait devoir passer une nouvelle nuit dans le froid glacial.

—Si je vous offrais plutôt un bon café bien chaud au café du coin. Vous aussi devez être frigorifié ?

—J’ai l’habitude, ne vous inquiétez pas.

—J’insiste. Laissez-moi vous offrir une boisson chaude, dans un endroit où il fait bon.

—Très bien, j’accepte volontiers alors.

Nous nous mîmes en route jusqu’au café au coin de la rue. Nous nous installâmes à une table dans le coin de la salle, puis le serveur vint prendre notre commande.

—Un café pour moi. Et vous ? Que prenez-vous ? Demandai-je au jeune SDF.

—Un café aussi.

Le serveur repartit préparer nos boissons.

—Comment vous appelez-vous ?

—Lucas. Et vous ?

—Océane.

—C’est un très joli prénom. Presque aussi joli que la femme qui le porte.

—Merci, répondis-je gênée.

Le serveur revint avec nos cafés. Pendant que Lucas buvait le sien, je l’observais à la dérobée. Il était très beau. De grands yeux verts, une bouche très sensuelle, une petite fossette sur le menton, des cheveux bruns coupés courts, grand (il devait mesurer au moins un mètre quatre-vingt cinq ), et plutôt bien bâti malgré le fait qu’il vive dans la rue. Il m’avait surprise à le détailler, mais ne s’en était pas offusqué et avait même eu un petit sourire en coin.

—Quel âge avez-vous Lucas ?

—Vingt-huit ans. Et vo… oh désolé, j’ai failli vous demandez le vôtre, s’excusa-t’il.

—Il n’y a pas de mal. J’ai 26 ans.

Nous restâmes plusieurs heures à discuter de tout et de rien, de nos vies, de nos envies, de nos espoirs. Nous avions beaucoup de points communs et nous attendions à peu près les mêmes choses de la vie.

Il était presque onze heures du soir quand Lucas me proposa de me raccompagner jusque chez moi après que j’eus laissé échapper un bâillement.

Arrivée en bas de mon immeuble, je constatai que je n’avais pas envie de le renvoyer au froid hivernal qui l’attendait mais que je n’avais pas non plus envie de le quitter. Alors sur une impulsion je lui proposai :

—Voudrais-tu venir dormir chez moi cette nuit ? Lui demandai-je.

Comme vous l’aurez remarqué au bout de quelques heures passées ensemble à nous raconter toute notre vie, nous en étions arrivés tout naturellement à nous tutoyer.

—Ne te sens pas obligée de devoir…

—Je ne me sens aucunement obligée. Si je le propose c’est que ça me fait plaisir et que j’en ai envie.

—Tu prends le risque d’inviter un SDF chez toi pour la nuit ?

—Oui ! Je ne sais pas pourquoi mais je sais… je sens que je peux avoir confiance en toi.

—Ça me touche beaucoup ce que tu dis. Ca fait bien longtemps que plus personne ne me considère comme un être humain et ne me fait confiance.

Il me fixa de ses grands yeux verts, s’approcha de moi, me sourit, posa une main sur ma joue, et m’embrassa.

***



Voilà comment j’ai rencontré l’homme qui fait désormais battre mon cœur depuis plus 20 ans. Nous nous sommes mariés et avons eu deux beaux enfants. Nous nous aimons comme aux premiers jours.

Et vous savez quoi ?

Je n’ai plus jamais été seule un soir de la Saint-Valentin.

Fin

Cette nouvelle a été écrite dans le cadre d'un appel à texte.



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